L’endométriose et les migraines partagent beaucoup de similitudes dans l’épidémiologie, la pathogénie, et les comorbidités physiques ou psychiatriques qui peuvent les accompagner.1 Dans cet article, nous explorerons les liens entre les deux conditions et les substances naturelles qui pourraient potentiellement les alléger.
Endométriose
L’endométriose est un désordre gynécologique caractérisé par la présence de tissu endométrial à l’extérieur de la cavité utérine et généralement associé à la douleur pelvienne chronique et à l’infertilité.2 Ce tissu surgit seulement chez les femmes ayant un cycle menstruel, peut se développer ou saigner cycliquement, et peut causer des adhérences.3 Les symptômes typiques incluent : la douleur pelvienne, la dysménorrhée, et l’infertilité.4 Globalement, 6 à 10% des femmes en âge de procréer souffrent d’endométriose, elle affecte entre 50 et 60% des femmes et des adolescentes souffrant de douleur pelvienne, et jusqu’à 50% de femmes touchées par l’infertilité.5 Bien qu’on n’ait pas encore identifié définitivement l’étiologie de l’endométriose, il existe plusieurs hypothèses concernant la façon dont les lésions endométriotiques se développent.2
Migraines
Les migraines sont la cause la plus fréquente de maux de tête récurrents et sévères. Elles affectent plus de 20% de femmes et plus de 10% d’hommes à un certain moment.6 La propension à souffrir des migraines a une base génétique, mais les attaques individuelles peuvent être déclenchées par des influences externes ou internes, et dans certains cas, sans raison apparente.6 Les migraines se présentent typiquement comme des maux de tête épisodiques récurrents et ont fréquemment les caractéristiques suivantes en termes de douleur : un endroit unilatéral, un aspect pulsatile, une intensité modérée à sévère, et généralement aggravée par toute forme de mouvement ou même un effort modeste.6 En outre, les attaques peuvent être accompagnées d’autres caractéristiques telles que des étourdissements, un manque d’appétit, des nausées, une photosensibilité, une sensibilité extrême aux bruits et aux odeurs, des perturbations de la fonction intestinale, etc.6
La connexion
Les migraines sont un désordre neurologique qui se produisent également généralement chez les femmes d’âge reproducteur.3 La recherche suggère qu’une relation co-morbide existe entre les migraines et l’endométriose.3 Par exemple, le taux de migraines est semblable entre les filles et les garçons pendant l’enfance mais la prédominance chez les femmes d’âge reproducteur est plus de deux fois celle des hommes dans le même groupe d’âge, et le taux de migraines diminue rapidement après l’âge 65 ans chez les deux sexes.7 La ménorragie, une affection courante chez les femmes atteintes d’endométriose, est également fréquente chez les femmes souffrant de migraines, 63 % des migraineuses ayant signalé des antécédents récents de ménorragie, comparativement à 37 % des femmes du groupe témoin.8
Sur la base d’observations similaires, la relation entre les migraines et l’endométriose chez les femmes en âge de procréer (18 à 51 ans) a été explorée dans une vaste étude de cohorte basée sur la population. Yang et son équipe de chercheurs ont analysé les données de 20 220 patientes atteintes d’endométriose et de 263 767 témoins sans endométriose tirées de la Base de données nationale de recherche sur l’assurance maladie de Taïwan contenant des dossiers de patientes externes et hospitalisés de 2000 à 2007. Leurs résultats ont indiqué que les migraines sont 1,70 fois plus communes chez les femmes avec endométriose que chez celles n’ayant pas la maladie, même après ajustement pour les effets possibles de l’hormonothérapie sur les attaques de migraine. En outre, des migraines ont été plus fréquemment rapportées chez les femmes éprouvant la douleur pelvienne, un symptôme commun de l’endométriose, que chez les femmes sans douleur pelvienne.3
Basé sur leurs données et études précédentes, les chercheurs suggèrent que l’endométriose et les migraines puissent avoir un rapport co-morbide dû à l’association avec les hormones féminines. Ils évoquent les faits que l’œstrogène cyclique est à la fois associé à l’endométriose et aux migraines. Les contraceptifs oraux et l’hormonothérapie substitutive pour la ménopause peuvent exacerber les migraines. Inversement, la diminution des œstrogènes accompagnant la ménopause et l’utilisation de Danazol, un analogue bien connu de l’hormone masculine souvent utilisé dans la gestion de l’endométriose, peut réduire les symptômes de migraine.
Pourquoi la douleur?
La sensibilité accrue à la douleur induite par un des désordres peut mener à une plus grande probabilité de développer l’autre.10 Différents aspects des voies pathophysiologiques vraisemblablement à la base de l’endométriose et leur rapport apparent avec les migraines ont été proposés. Par exemple, Berkley et son équipe suggèrent que les mécanismes qui sous-tendent ces douleurs et la sensibilité à l’œstrogène impliquent la croissance dans le tissu endométrial ectopique d’un approvisionnement nerveux, qui pourrait avoir une influence variée et répandue sur l’activité des neurones dans tout le système nerveux central. En d’autres termes, l’activation des fibres sensorielles semblables à une lésion d’endométriose dans le tissu endométrial ectopique pourrait mener à l’hyperactivité neuronale dans tout le système nerveux central.11 Selon les chercheurs taïwanais, il est possible que le nombre excessif de mastocytes activés et dégranulants dans les lésions d’endométriose (ou structures nerveuses internes) pourrait induire la libération d’une foule de médiateurs inflammatoires et algésiques. Ces médiateurs peuvent alors sensibiliser les neurones afférents primaires qui causent l’hypersensibilité et l’hyperalgesie, et potentiellement déclencher les attaques de migraine.3
La gestion
Les bonnes nouvelles sont que l’adoption d’un mode de vie sain et l’alimentation ainsi que des suppléments ciblés peuvent aller loin quand il s’agit de gérer les deux conditions débilitantes. Voici quelques exemples de recommandations soutenues par la science et appuyées par l’observation clinique.
Magnésium
Des suppléments de magnésium ont été employés intensivement dans la prophylaxie et le traitement de la migraine.12 L’étude Nurses Health Study a également trouvé un rapport inverse statistiquement significatif entre la prise de magnésium et l’endométriose.13 Puisque l’insuffisance de magnésium est si fréquente et associée aux deux conditions, la supplémentation devrait être considérée.
Extrait de grande camomille
La Tanacetum parthenium, généralement appelé grande camomille ou « feverfew » est une plante médicinale traditionnellement employée comme agent anti-inflammatoire afin de soulager un éventail de conditions s’étendant des fièvres, à la migraine, en passant des douleurs menstruelles à celles de l’accouchement.14
La littérature moderne appuie l’utilisation de la grande camomille comme agent anti-inflammatoire et antinociceptif. La Tanacetum a démontré qu’elle bloque l’activité de la synthétase de prostaglandine (PG), qui empêche la conversion d’acide arachidonique en PGs inflammatoires, la dégranulation des mastocytes, et la libération conséquente d’histamine, de sérotonine et d’autres cytokines inflammatoires telles que TNF-α, IL-1,NF-κB, et IFN-g, aussi bien que la cyclooxygénase péritonéale.15
Palmitoyléthanolamide
Le palmitoyléthanolamide (PEA) est une substance moins connue, bien qu’il ait été étudié pour ses nombreux bienfaits pour la santé au cours des quatre-vingts dernières années. Le PEA est un acide gras à longue chaîne produit naturellement par l’organisme et que l’on retrouve dans les aliments comme le jaune d’œuf, le soya et l’huile de tournesol. Considéré comme un composé cannabimimétique, le PEA a reçu plus d’attention dernièrement en raison de son rôle crucial dans le système endocannabinoïde (SEC). La molécule miracle est produite localement par les cellules et elle s’accumule dans les tissus à la suite d’une blessure, d’un stress physique ou d’une douleur. Le PEA présente des mécanismes d’action directs et indirects et il a été démontré qu’il améliore l’action d’autres endocannabinoïdes par son « effet entourage ».16
L’action anti-inflammatoire du PEA est associée à sa capacité d’inhiber l’activation des mastocytes qui causent une inflammation supplémentaire (comme la libération d’histamine). Une méta-analyse impliquant 786 patients qui ont reçu le PEA et 512 contrôles publiés dans Pain Physician en 2017 a démontré que le PEA était associé à une réduction significativement plus grande de la douleur par rapport aux conditions de contrôle inactif. Artukoglu et son équipe ont conclu que : « Le PEA peut être un traitement utile de la douleur et est généralement bien tolérée dans les populations impliquées dans les recherches. ».16 Une petite étude portant sur des patients souffrant de migraines avec aura ayant reçu 1200 mg de PEA micronisé par jour en association avec des anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) pendant un maximum de 90 jours a démontré qu’il avait une bonne efficacité et l’innocuité. Les auteurs ont conclu que le PEA peut être considéré comme un outil thérapeutique dans la gestion de la migraine et de la douleur.17 Di Paola et son équipe ont rapporté que la prise conjuguée de PEA micronisé et de polydatin, un précurseur normal du resvératrol, (PEA/PLD) a diminué les lésions endométriotiques grâce à leur effet antiangiogénique. Cette combinaison a également diminué le taux du facteur de croissance des nerfs (NGF), de la molécule d’adhérence cellulaire, de l’expression de la métalloprotéinase matricielle 9 (MMP-9), et de l’accumulation de lymphocytes.18
D’autres suppléments intéressants à considérer comprendraient un complexe de vitamines B bioactives, un supplément de curcuma fournissant de la curcumine libre, des acides gras oméga-3 et des enzymes systémiques, pour n’en nommer que quelques-uns. Le maintien d’un environnement intestinal et d’un microbiome sains devrait également constituer une priorité dans la gestion des migraines et de l’endométriose.
Conclusion
Atteindre un équilibre hormonal optimal tout au long de nos années de reproduction peut être difficile mais cela peut soulager et prévenir plusieurs troubles de santé, incluant les migraines et l’endométriose. Bien que la génétique soit souvent blâmée pour de telles conditions, nous savons maintenant que les gènes ne déterminent pas notre destin ! Nous pouvons moduler ces gènes grâce à un mode de vie sain, une alimentation équilibrée et des suppléments nutritionnels ciblés de haute qualité. Des tests génomiques et fonctionnels appropriés peuvent être utiles pour concevoir des recommandations individualisées et efficaces.