L’une des questions les plus controversées dans
le domaine de l’oncologie intégrative est de savoir si les patients cancéreux
doivent éviter les protéines de lactosérum. Certaines personnes soutiennent que
les produits laitiers peuvent augmenter la croissance des cellules cancéreuses puisqu’ils
contiennent des acides aminés et facteurs de croissance. Les produits laitiers
contiennent une molécule appelée facteur de croissance insulinoïde (IGF-1) qui
a la même activité que son analogue humain produit naturellement. En tant que
clinicien, je recommande aux patients d’éviter tout aliment pouvant
potentiellement réguler les facteurs de croissance à la hausse, car cela peut
contribuer à la croissance des cellules cancéreuses.1 Ainsi, il
serait prudent dans le cadre d’un régime anti-cancer d’éviter les sucres
raffinés (reconnus pour augmenter la formation d’IGF-1) et les produits
laitiers. Mais, cela s’applique-t-il également aux produits à base de protéines
de lactosérum?
Il n’y a véritablement pas de réponse claire à cette
question. Néanmoins, j’ai pu recenser quelques points que nous devons prendre
en considération afin de nous forger une opinion.
1. Il est difficile d’extrapoler les données
sur les aliments (produits laitiers) à la consommation des protéines de
lactosérum. Le lait contient beaucoup plus d’IGF-1 qu’un supplément de
lactosérum de bonne qualité. Il contient également beaucoup d’autres substances
que le lactosérum ne contient pas (matières grasses, sucres, etc.). Les gens
ont généralement tendance à englober tous les produits laitiers dans la même
catégorie que le lactosérum et pourtant la réalité est toute autre; le
lactosérum est nettement différent et ne devrait pas être considérés comme tout
autre produit laitier.
2. La consommation du lactosérum et d’autres
protéines animales augmente les niveaux d’IGF-1 dans le sang.2 Cela
s’explique par le fait que l’excès d’acides aminés stimule la production d’IGF-1
par le foie. Alors que cette augmentation des taux d’IGF-1 est bénéfique pour
un athlète ou une personne âgée qui cherche à développer sa masse musculaire; qu’en
est-il de sa corrélation avec le cancer? La bonne nouvelle est que les
protéines végétaliennes ne stimulent pas l’IGF-1 et pourraient même les
réduire.2
3. Dans certains cas, la nature anabolique du
lactosérum peut être avantageuse et même souhaitée. Par exemple, dans la
cachexie (perte de poids en cas de cancer), la protéine de lactosérum est plus
efficace que les protéines végétales (c.-à-d., soja, riz, etc.) pour limiter la
perte du poids.3 La prévention ou le ralentissement de la perte de
poids est une cible thérapeutique très importante chez les patients souffrant
du cancer.
4. Une forte corrélation a été établie entre
les sucres raffinés, la stimulation par l’insuline, la formation d’IGF-1 et la
croissance des cellules cancéreuses. Le lait contient les sucres comme le
galactose alors que la protéine de lactosérum n’en contient pas; c’est un autre
grief contre le lait qui ne s’applique pas nécessairement au lactosérum. D’un
autre côté, un régime riche en protéines et faible en glucides (cétogène) est
souvent prescrit comme régime anti-cancer puisqu’il prive le cancer des sucres;
cela a l’avantage de ne pas augmenter l’insuline et empêcher ainsi la formation
de facteurs de croissance.4 La protéine de lactosérum est parfois
incluse dans le régime cétogène.
5. Le lait contient de la caséine, une protéine
qui augmenterait fortement la croissance du cancer selon le Dr T. Colin
Campbell, auteur de « The China Study ». Cette hypothèse est assez
controversée et certaines preuves suggèrent que la caséine et d’autres
protéines de lait peuvent protéger contre le cancer.5 Quoi qu’il en
soit, le lactosérum en contient très peu.
6. La protéine de lactosérum régule à la hausse
la production du glutathion, un puissant protecteur cellulaire qui prévient le
développement du cancer, augmente l’élimination des cancérogènes et induit
l’apoptose.6 Les protéines végétaliennes n’augmentent pas le
glutathion de la même manière que le lactosérum puisqu’elles contiennent moins
d’acide aminé cystéine, un précurseur essentiel du glutathion. Une étude
intéressante comparant le lactosérum à la protéine de soja a révélé que le
lactosérum était plus efficace pour la prévention des tumeurs7.
8. Les produits originaux à base de lactosérum
(à l’instar du Lactosérum Avancé d’AOR) contiennent de la lactoferrine et de
l’alpha-lactalbumine qui ont une activité anticancéreuse et stimulent le
système immunitaire.8 Des recherches récentes montrent que le
lactosérum a une action impressionnante contre les cancers tels que le
carcinome pulmonaire non à petites cellules.9 Cela ajoute un angle
thérapeutique spécial que les protéines végétaliennes n’ont pas. Ce n’est pas toutes
les protéines de lactosérum sur le marché qui offrent cet avantage
supplémentaire; alors, prenez la peine de toujours vérifier.
9. Certaines personnes ont une allergie
alimentaire ou une sensibilité aux produits laitiers et aux protéines de
lactosérum. Cela ne devrait pas être confondu avec l’intolérance au lactose,
qui est une incapacité à digérer le lactose, un sucre présent dans les produits
laitiers. Les produits laitiers, y compris la protéine de lactosérum, sont des
allergènes alimentaires courants. La sensibilité aux produits laitiers peut causer
une aggravation de l’inflammation et favoriser l’irritation digestive.10
L’aggravation de l’inflammation est dangereuse pour les patients cancéreux. Si
vous suspectez que les produits laitiers sont à l’origine des symptômes
d’allergies tels que la congestion nasale, des maux de tête, des ballonnements,
des gaz ou des crampes intestinales, il serait préférable d’éviter les produits
laitiers ou de vous faire examiner par votre médecin naturopathe.
10. Certaines personnes affirment que la
protéine de lactosérum contient plus d’acides aminés «acides» qui favorisent
une charge nette acide sur le corps, altérant la fonction cellulaire et
potentiellement stimulant le développement du cancer. L’environnement acide théoriquement
associé au cancer est également controversé et je trouve personnellement les
preuves peu convaincantes pour directement adopter des thérapies
alcalinisantes. En revanche, je préconise fortement un régime riche en légumes
et oligo-éléments (Mg et K+) qui sont plus alcalins et pauvres en
glucides raffinés et en viandes acidogènes.
À la lumière des points évoqués ci-dessus, vous
pouvez vous faire une idée sur la question de savoir si la protéine de
lactosérum a un impact sur le développement du cancer ou pas. Personnellement,
je pense que les avantages l’emportent sur les inconvénients, et il y a des
avantages uniques associés à l’utilisation d’une protéine de lactosérum de
haute qualité. Il importe ici de noter que le type de protéine que vous
utilisez peut dépendre de vos préférences personnelles, du stade du cancer et
si vous avez une sensibilité alimentaire au lactosérum. Après tout cela, c’est
à vous de choisir!
Références :
1) Cohen, Pinchas, et al. Insulin-like growth factors (IGFs),
IGF receptors, and IGF-binding proteins in primary cultures of prostate
epithelial cells. Journal of Clinical
Endocrinology and Metabolism, Vol. 73, No. 2, 1991, pp. 401-07
2) Allen NE,
Appleby PN, Davey GK, Kaaks R, Rinaldi S, Key TJ. The associations of diet with
serum insulin-like growth factor I and its main binding proteins in 292 women
meat-eaters, vegetarians, and vegans. Cancer
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3) Dillon et al. Cancer cachexia and anabolic
interventions: a case report. J Cachexia
Sarcopenia Muscle, 2012 Dec;3(4):253-63.
4) Victor W. Ho et al. A Low Carbohydrate, High
Protein Diet Slows Tumor Growth and Prevents Cancer Initiation; Cancer Res July
1, 2011 71; 4484;
5) Phelan M,
Aisling Aherne S, O’Sullivan D, FitzGerald RJ, O’Brien NM. Growth inhibitory
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6) Bounous G,
Batist G, Gold P. Whey proteins in cancer prevention. Cancer Lett., 1991 May 1;57(2):91-4.
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Korourian S, Shelnutt SR, Lensing S, Ronis MJ, Badger TM. Diets containing whey
proteins or soy protein isolate protect against
7,12-dimethylbenz(a)anthracene-induced mammary tumors in female rats. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev.,
2000 Jan;9(1):113-7.
8) Pepe G1,
Tenore GC, Mastrocinque R, Stusio P, Campiglia P. Potential anticarcinogenic
peptides from bovine milk. J Amino Acids,
2013;2013:939804. doi: 10.1155/2013/939804. Epub 2013 Feb 26.
9) Rodrigues L, Teixeira J, Schmitt F, Paulsson
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prevention. Crit Rev Food Sci Nutr.,
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10) Grant EC.
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1979 May 5;1(8123):966-9.